Les TOURBIERES

Qu’est-ce qu’une Tourbière ?

C’est un lieu où se sont accumulés naturellement au moins 40 cm de tourbe et qui possède encore en surface les végétaux qui en sont à l’origine. En effet, la tourbe est qualifiée de roche tendre composée de 10 à 20 % de matière organique et de 80 à 90 % d’eau.

Cette accumulation de tourbe ne peut se produire que dans quelques stations privilégiées, lorsque, contrairement à ce qu’elle fait généralement, la production végétale se fossilise au lieu de se décomposer.

Pour que cette fossilisation puisse se produire, trois conditions doivent se réunir :

Une température basse qui ralenti l’activité biologique du sol et, par conséquent, la décomposition de la matière organique.

Un sol gorgé d’une eau pauvre en éléments nutritifs azotés et le plus souvent en sels minéraux solubles qui stagne et s’appauvrit en oxygène. Elle va alors asphyxier la microflore et la microfaune de la tourbe.

La présence de mousses particulières : les sphaignes, qui acidifient le sol et ralentissent encore l’activité bactérienne.

En plus des conditions climatiques favorables, la présence de sites dans lesquels l’eau de pluie s’attarde est tout aussi indispensable au développement des tourbières dans notre région. De tels sites favorables à la stagnation de l’eau ont été généralement préparés par l’activité volcanique récente (maar d’explosion, cratères stromboliens) ou par l’action des glaciers qui recouvraient l’Auvergne pendant les dernières glaciations (cuvettes de surcreusement, barrages morainiques). Source : J. BAUNHES, directeur de recherche à l’ORSTOM, in Supplément scientifique n°4 de la revue du Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne.

Vie et mort d’une Tourbière

1 - Stade du radeau flottant
Grâce à leurs longues tiges et leurs longues racines, des plantes (Trèfle d’eau, comaret, etc.) colonisent le plan d’eau à partir des bords et réalisent un véritable radeau qui gagne petit à petit le centre, occultant la surface libre de l’eau. Très vite, d’autres plantes s’installent sur le radeau dont les laîches (carex) et les fameuses sphaignes.

2 - Stade des tremblants
Les sphaignes envahissent totalement la surface du radeau en compagnie de plantes comme les droseras, la canneberge ou les linaigrettes. L’ensemble de ces végétaux finit par constituer une telle masse végétale que le radeau s’enfonce, prenant de plus en plus d’épaisseur. Avancer sur cette zone fait «trembler » la surface du sol, d’où son nom.

3 - Stade du bombage
La sphaigne pousse chaque année sur les partie mortes des années précédentes mais à une vitesse très lente. Les parties molles s’accumulent ainsi sans subir de décomposition complète en raison de l’acidité très forte et de l’absence d’oxygène du «sol » de la tourbière.

Quand l’épaisseur du radeau a comblé le plan d’eau, des bombements apparaissent, bosselant la surface de la tourbière, et dus à la croissance des sphaignes.

Plus le bombement s’élève, plus les sphaignes ont des difficultés à faire monter l’eau, des pluies abondantes bien réparties sur toute l’année permettent toutefois de résoudre temporairement ce problème.

4 - Stade de l’affaissement
Il arrive un moment où la hauteur des bosses ne permet plus l’alimentation en eau ; les sphaignes meurent, le bombement se dessèche puis se tasse et s’affaisse. La «tourbe » desséchée de surface est un milieu très sec où seules certaines plantes bien adaptées arrivent à s’installer (molinie, callune).

Bientôt, de petits arbres apparaissent (saules, bouleaux puis pins sylvestres) et d’une allure de lande, la tourbière prend l’aspect d’une petite forêt, stade ultime de son évolution et de sa disparition.

Ces phénomènes prennent toutefois des milliers d’années et l’homme, à l’échelle de sa vie, ne perçoit aucune évolution.

Une faune et une flore très spécifiques

Plantes Carnivores

Les tourbières abritent un grand nombre d’espèces florales particulièrement rares. La singularité de cette flore tient à la présence d’espèces carnivores. Les drosera, la grassettes et utriculaires sont en effet les représentantes d’un monde végétal redoutable dont les pièges sont constitués par des feuilles (jamais les fleurs) gluantes destinées à capturer des insectes qui seront ensuite digérés par les sucs de la plante.

De nombreuses autres plantes sont caractéristiques de ces milieux humides, dont certaines sont des reliques glaciaires rares et protégées à ce titre.

Parmi elles, signalons la ligulaire de Sibérie, l’andromède, la canneberge et le saule des lapons. Non protégées mais tout aussi caractéristiques, citons les scirpes, les laîches (ou carex), la callune fausse bruyère, l’airelle des marais, le nénuphar blanc, des orchidées, la wahlenbergie, les potamots…

La faune, elle, est surtout composée de nombreux insectes (Damier de la succise, plusieurs libellules…), reptiles (couleuvre à collier, vipère péliade) et amphibiens (grenouille agile, triton palmé). Parmi les mammifères, les chevreuils sont parfois les hôtes des ces milieux où ils trouvent quiétude et nourriture. Enfin, les oiseaux sont particulièrement nombreux à affecter les zones humides.

Exploitation des tourbières

Depuis toujours, l’homme a exploité les tourbières. Ici, jusqu’après la seconde guerre mondiale, il se taillait des briques de tourbe qu’il faisait sécher avant de les utiliser comme combustible. Cela se passe toujours ainsi dans certaines régions de l’Irlande. La chaleur dégagée est moindre que celle issue de la combustion du bois et une fumée à l’odeur particulière s’en dégage en quantité.

Plus tard, la tourbe est rentrée dans la culture des légumes et des plantes ornementales. Cette exploitation, qui continue encore aujourd’hui, s’est industrialisée et menace malheureusement de nombreuses tourbières, ce qui n’est pas le cas chez nous puisque la plupart ont fait l’objet de classement en Espaces Naturels Sensibles.